L’Essentiel n°2
Ou le journal de l’aventure entrepreneuriale d’Agathe et Xavier
Bonjour à tous,
Vous attendiez avec impatience la suite de nos péripéties et la voici, comme promis, un mois après notre premier numéro de l’Essentiel. Nous sommes de plus en plus motivés par notre projet d’entreprise qui ce dernier mois a été plein de rebondissements et nous a apporté de bonnes surprises.
Voilà maintenant deux mois que nous sommes à Cali. La dernière fois nous étions sur le point de partir pour un premier séjour à Séville pour un diagnostic de la production et de son potentiel. Pour tout vous dire, au départ nous avons été assez déçus et démoralisés par nos observations. Notre référente, Nancy Milena, (sœur de notre voisine Béatrice à Paris !) sur place ne manque pas de bonnes volontés mais se trouve très limitée dans ses actions dû à de grosses difficultés familiales. Malheureusement elle n’a donc pas pu préparer, comme nous l’aurions espéré, notre arrivée. Il a donc fallu que nous allions par nous-même chercher les agriculteurs de la municipalité produisant des plantes aromatiques. Après trois jours nous n’avions trouvé personne qui produisait plus que quelques plants pour leur consommation personnelle. A part tenter de distiller des espèces sauvages, nous ne pouvions couper seulement qu’une haie vive de citronnelle. Pour couronner le tout, après s’être démené pour trouver une solution pour alimenter en 220V notre chaudière électrique, celle-ci s’est mise à fuir dû à une soudure qui a lâché. Nous avons dû arrêter nos expérimentations après l’extraction d’un seul échantillon de citronnelle… Une anecdote supplémentaire : nous logions seuls dans la jolie petite ferme très rudimentaire de Béatrice où s’était installé, en son absence, un chien fou et bigleux qui nous a valu quelques frayeurs et un stress permanent de se faire chopper les mollets à la nuit tombée.
Suite à tous ces évènements, nous décidâmes de rentrer un jour plus tôt que prévu, juste après un détour par le marché agro-écologique de la ville que nous avait chaudement recommandé notre hôte. Par chance, cette halte a littéralement changé la mise et nous a redonné espoir de distiller des huiles à Sevilla. Cet espoir : Doña Ruth Neri. Nous commencions à poser des questions aux agriculteurs du marché, quand cette septuagénaire ultra-dynamique nous a abordé. Elle n’a pas de grandes productions pour le moment mais suffisamment pour nous permettre de réaliser près d’une dizaine d’échantillons différents. Influente dans la région, elle possède assez de terre pour participer à notre aventure et motiver d’autres agriculteurs de la zone. C’est décidé, nous planifions tout de suite de retourner à Séville, mais cette fois-ci chez elle pour distiller ses plantes.
Durant la seconde partie du mois de juin, il nous a semblé nécessaire de trouver une solution plus simple et moins coûteuse de produire de la vapeur. Rebelote, nous voilà à nouveau en train de planifier la construction d’un générateur de vapeur, à gaz, cette fois-ci. Ce ne fût pas une mince affaire non-plus car il fallait que l’on soit sûr du volume et que la surface en contact avec les flammes soit suffisante pour générer la vapeur nécessaire pour notre distillateur. Pour compliquer la tâche, à chaque match de foot de la coupe du monde joué par la Colombie, il était impossible de trouver un magasin ou atelier prêt à travailler dans la ville ! Finalement, nous avons pu partir le samedi 30 juin après-midi avec une chaudière « pyro-tubulaire » en acier et cuivre construite de toutes pièces en trois jours top chrono.
Arrivés le soir chez Doña Ruth Neri nous avons dû tester notre chaudière toute neuve et notre système d’alimentation du gaz… Et là, encore une complication… Notre installation entre la bonbonne et le brûleur fuit de tous les côtés… Nous voilà repartis, un dimanche précédant un jour férié, pour trouver une quincaillerie ouverte et régler notre problème. Par chance, nous nous procurâmes la lance à gaz du distillateur inutilisé de Béatrice qui nous dépanna à merveille. Nous pûmes enfin démarrer nos extractions !
Nous vous promettons qu’à partir de maintenant nous n’avons quasiment plus rencontré de mésaventures et nous avons enchainé les bonnes surprises. Les trois jours qui ont suivi notre travail chez Doña Ruth Neri ont été extrêmement productifs. Nous avons réalisé près de sept échantillons de plantes différentes ! Certaines espèces distillées, comme le Poleo arbol (Satureja viminea), l’Estragon mexicain (Tagete lucida), ou encore le Pronto Alivio (Lippia alba) ont donné de très bons résultats. Elles ne sont pas ou peu connues du grand public mais pourraient avoir beaucoup de potentiel.
En plus des bonnes distillations, nous avons été très bien accueillis dans cette superbe ferme où le lundi férié nous avons partagé un barbecue avec toute la famille de Doña Ruth Neri. Pendant tout notre séjour, de nombreux agriculteurs de la région se sont arrêtés à la ferme très intrigués et intéressés par notre projet. Avant de partir, certains nous ont même rapporté toutes sortes de plantes et graines trouvés sur leur terrain, espérant qui nous puissions en extraire quelque chose !
La conclusion que nous avons pu tirer de ce séjour, est que, finalement, il serait possible de travailler avec un certain nombre d’agriculteur de Séville. Pour le moment, rien n’est encore lancé, mais si, parmi les essences extraites de la zone, certaines intéressent et ont de bons résultats d’analyse, des paysans seront prêts à s’investir dans le projet.
Après Séville, nous ne sommes pas tout de suite rentrés à Cali. La suite de notre expédition nous a menés dans une ferme d’une cinquantaine d’hectares produisant déjà depuis un certain nombre d’années en agroforesterie. Chez eux (près de la ville d’Alcalá), nous avons distillé du curcuma (Curcuma longa). Vous connaissez bien entendu cette épice issue des rhizomes d’une plante de la famille du gingembre. Il s’avère qu’il est possible d’en distiller ses rhizomes autant que ses feuilles. Les deux « organes » de ce végétal dégage un parfum différent et nous avons eu, là aussi de bonnes quantités d’huiles essentielles, malgré le fait que la nouvelle lance que nous avons construite pour le gaz ait manqué un peu de puissance.
La dernière étape de notre échappée nous a amené près d’Armenia dans le Quindío où nous avons rencontré un homme qui produit déjà des huiles essentielles. Nous avons pu visiter l’ensemble de son exploitation, voir ses productions, son équipement et ses locaux. Les essences qu’il distille sont en priorité utilisées pour la réalisation de ses propres crèmes, vaporisant et boissons. Chez lui il a été possible de réaliser une distillation avec notre matériel durant laquelle il a pu nous donner quelques conseils pour améliorer notre organisation.
Fatigués mais ravis de cette semaine pleine de nouvelles expériences, nous sommes rentrés à Cali samedi 7 juillet au soir. Mais chez nous, pas le temps de chômer, dès notre retour nous avons dû faire un point sur nos échantillons d’huiles essentielles, les nettoyer si besoin, rentrer les données de distillation, etc. L’autre mission importante que nous dévions réaliser est d’aller à la « galeria » (le marché de Cali) pour aller à la rencontre des vendeurs de plantes aromatiques. C’est donc jeudi matin à 5h30 que nous nous sommes levés pour aller à leur rencontre. Nous rentrons vers 11h, le bec dans l’eau, mais toute de même contents de notre sortie car nous avons appris que ce sont directement les agriculteurs qui se rendent au marché et qu’ils arriveront le soir même. Nous repartons donc vers 18h jusqu’à minuit, cette fois-ci sûrs de rencontrer les bonnes personnes. Cette sortie nous a permis de découvrir des groupements d’agriculteurs provenant de différents villages des environs de Cali qui produisent toutes sortes d’herbes aromatiques. Nous leur avons même acheté de la verveine citronnée dont nous n’avions pas encore d’huile essentielle. Vendredi dernier nous avons entrepris de nouvelles distillations à la maison.
Comme vous pouvez le voir, nous avançons très bien et sommes très contents de la tournure de notre projet. C’est pour cela que nous avons décidé d’avancer le plus possible avant de rentrer en France et de déposer au plus vite notre entreprise en Colombie, commencer à distiller avec notre petit appareil de manière plus régulière et lancer notre business sur le marché local dans les prochains mois. Pour cela il nous a fallu décaler notre retour en France qui ne sera que le 5 novembre de cette année. Nous espérons qu’avec la prolongation de notre séjour, nous pourrons démarrer quelque chose de concret en Colombie nous permettant de donner plus de de crédibilité à notre projet lors de sa présentation dès notre retour en France.
Vous êtes peut-être en train de vous dire que nous nous faisons désirer… mais pensez plutôt au fait que vous allez avoir plus de numéros palpitants racontant notre périple colombien ! Consolés ? Nous l’espérons !
Agathe et Xavier